Impact du site de production sur l’empreinte carbone d’un câble à fibres optiques ?
La réduction de l’empreinte environnementale et de l’impact sur le réchauffement climatique est un enjeu majeur du déploiement des réseaux de télécommunications et des réseaux privés. Les acteurs des filières concernées se mobilisent pour évaluer ces impacts et apporter des solutions pour les réduire.
ACOME produit ses câbles sur son site de production en Normandie, en France. Le développement durable et la responsabilité sociétale d’entreprise font partie intégrante de l’identité d’ACOME, et sont indissociables de son statut de SCOP. ACOME apporte des solutions durables et à faible impact environnemental pour le développement des réseaux de télécommunications.
ACOME est notamment précurseur dans la communication des empreintes environnementales de ses produits. Elle a été le premier câblier mondial à rendre publique le poids carbone de ses produits “câbles à fibres optiques” sur l’intégralité des gammes et l’intégralité des contenances.
Dans cet article, l’analyse comparative des cycles de vie d’un câble optique manufacturé dans différentes zones du monde, montre que le choix du lieu de production d’un câble optique influe très significativement sur l’impact carbone des infrastructures numériques qui l’utilisent.
Déclaration environnementale des produits
L’impact environnemental des câbles à fibres optiques est communiqué par sa déclaration environnementale produit (DEP), qui est réalisée suivant un processus normalisé et largement utilisé [selon ISO14021 / ISO14025].
Cette DEP s’appuie sur une Analyse du Cycle de Vie (ACV) [selon ISO14040 / ISO14044] de l’extraction des matières premières à sa production, jusqu’à sa fin de vie, sans oublier les transports et son usage. Elle est la carte d’identité environnementale d’un produit en fournissant une analyse multi-critères.
Pour plus d’informations sur le cadre d’analyse des ACV, vous pouvez consulter notre récent article ainsi que l’annexe 15 du recueil de l’ARCEP. Vous y trouverez notamment des détails sur le cadre d’analyse PCR (Product Category Rules) et PSR (Product Specific Rules), et sur les différents types de déclarations environnementales.
ACOME, ainsi que les acteurs de la filière tels que les membres du Sycabel et d'Europacable, utilisent un référentiel commun, à travers les règles PCR et PSR du programme PEP Ecopassport®. Ce cadre d’analyse est notamment utilisé aujourd’hui comme référence pour les normes au niveau européen et mondial (CENELEC, IEC).
Toutes ces règles fixent un cadre commun, et permettent d’obtenir de la donnée environnementale calculée rigoureusement et surtout comparable pour l’utilisateur. Toutes les valeurs sont calculées pour 1 mètre de câble, qui est l’unité déclarée définie pour les câbles télécoms (les valeurs peuvent également être communiquées pour 1 mètre de fibre câblée, qui est alors l'unité fonctionnelle).
Le réchauffement climatique (GWP for Global Warming Potential) aussi appelé « l’impact carbone » d’un produit est un des indicateurs de l’analyse environnementale. Son unité est le gCO2-eq/m, et comptabilise les émissions des gaz contribuant à l’effet de serre tout au long de la vie du produit.
Cet article se concentre sur l’impact carbone des produits, et notamment à l’impact de la phase de production en fonction du pays dans lequel le câble est fabriqué.
Empreinte carbone d’un câble
Sur l’ensemble du cycle de vie, les émissions de gaz à effet de serre des produits d’infrastructure de réseau proviennent essentiellement de l’extraction des matériaux, de la transformation des ressources (plastiques, verre etc.) et de l’énergie consommée pour les transformer.
Sur un exemple d’un câble 144 fibres, selon la PSR-0001 Ed.3, les phases de Distribution, Installation, Utilisation et Fin de vie cumulées ne représentent que 15% de l’impact carbone du câble, tandis que la seule phase de fabrication pèse à elle seule 85%.
Distribution
Sur cet exemple, la partie « Distribution » prend en compte une livraison en camion sur 1000 km à travers le territoire depuis son lieu de production basé en France.
A titre d’information, afin d’être installé en France, on considère qu’un câble produit en Chine/Inde doit parcourir 1000 km de camion en Chine/Inde puis 19000 km de bateau et pour finir à nouveau 1000 km de camion en France. Un câble produit en Europe et installé en France devra parcourir 3500 km. Ces distances utilisées pour les calculs sont issues de chaque scénario de transport intra- ou intercontinental par défaut fourni dans les outils d’analyse et d’éco-conception.
Installation
Dans le cadre d’analyse PCR/PSR, la partie « Installation » ne tient compte que des rebuts de câbles et la fin de vie des emballages. En raison de l’hétérogénéité des méthodes de déploiement de câbles, l’impact de l’éventuel génie civil associé n’est pas pris en compte dans l’ACV d’un câble.
On peut toutefois mentionner un ordre de grandeur de 30 à 40 tCO2-eq par kilomètre de micro-tranchée (selon étude délivrée par KOSSOP pour OT Engineering). Des travaux sont en cours dans l’écosystème afin de déterminer précisément l’impact des diverses méthodes de déploiements. On peut notamment mentionner les travaux lancés par Infranum afin de définir un référentiel sectoriel.
Utilisation
La partie « Utilisation » est minime dans l’impact global, et correspond principalement à la puissance perdue lorsque que le signal optique transite dans la fibre.
Fin de vie
La partie « Fin de vie » correspond notamment au transport et à l’enfouissement des câbles mis au déchet.
Fabrication
Environ 85% de l’impact carbone d’un câble provient de la partie Fabrication dans l’analyse du cycle de vie, intégrant l’énergie consommée pour transformer la matière. L’empreinte carbone d’un câble est donc variable selon les sources d’énergie utilisées lors de la production, et en tout premier lieu de l’impact carbone de l’électricité qui est la source d’énergie majoritairement utilisée par les câbliers.
Le premier levier pour minimiser l’impact environnemental d’un câble est donc le mix énergétique du lieu de production.
En effet, comme le montre ce graphique, l’électricité est plus ou moins carbonée selon le pays, en fonction de la source qui assure la production d’électricité (charbon, gaz, nucléaire...).
Le mix énergétique européen moyen est ainsi moins carboné que celui des Etats-Unis ou de la Chine. Néanmoins cette intensité carbone européenne cache des disparités importantes (cf. graphique, exemple entre la France et la Pologne ).
L’ADEME estime que le facteur d’émission moyen de l’électricité française est actuellement d’environ 75 gCO2/kWh, soit environ 10 fois moins que celui de l'Inde, la Chine ou encore la Pologne.
Le choix du fabricant du câble optique, et plus précisément le lieu de l'implantation géographique de son usine aura des conséquences tangibles et directes sur l'impact carbone du produit. Quel est alors l'écart en émission de CO2 sur un câble optique ?
Comparaison de l’empreinte carbone d’un câble selon son lieu de production
Les calculs des impacts environnementaux sont effectués grâce à des logiciels certifiés d’analyse de cycle de vie (dans le cas de cette étude, utilisation du logiciel EIME© V5.9.3 complété par la base de données CODDE-2022-01). L’outil permet de choisir le lieu de production d’un produit et simule ainsi l’augmentation ou la baisse de l’empreinte en fonction du mix électrique ou encore celle de son transport jusqu’au déploiement.
Le comparatif a été réalisé pour un câble optique souterrain de 144 fibres, avec les hypothèses suivantes :
- Pour un câble asiatique, indien ou encore américain, le mix électrique du lieu de production a été pris en compte, ainsi qu’un transport par voie maritime et terrestre (1000km de camion en Chine/Inde/US + 19000km de bateau + 1000km de camion en France).
- Pour un câble d'un pays européen, le mix électrique du pays de production a été pris en compte, et les outils de calculs utilisent par défaut une distribution intracontinentale par voie terrestre sur une distance de 3500km.
- Ingénierie et éléments du câbles sont les mêmes quelque soit le pays considéré
- Pour ces analyses comparatives, il est considéré que 100% de la fabrication est réalisée avec le mix électrique du pays considéré (fibre et câble).
- Les phases Installation/Utilisation/Fin de vie quant à elles resteront les mêmes comparées à un câble français déployé et utilisé en France.
Quel que soit le pays, la phase de fabrication reste toujours prépondérante dans l’impact carbone du câble. Par contre, le mix électrique pèse de manière significative sur l’impact de la fabrication. Pour un même produit, le choix du fournisseur et de son lieu de fabrication impactera jusqu’à ~1200 kgCO2eq/km supplémentaires, soit plus qu’un doublement de l’empreinte carbone la plus faible.
Pour un câble optique standard considéré dans cette analyse, nous constatons alors qu’une production en Chine, en Inde ou encore en Pologne est 2x à 2,5x plus impactante environnementalement qu’un câble produit en France.
L’augmentation principale en fonction du pays d‘origine est bien liée à la partie Fabrication. Au-delà de la part matières qui est significative dans l’analyse du cycle de fabrication, l’augmentation de l’impact provient en partie de l’énergie consommée par les machines et outils de production.
Par ailleurs, même si les câbles sont transportés par très grandes quantités, la phase de distribution peut représenter une partie non négligeable de l’impact carbone global du produit. Nous constatons ici que la distribution participe entre 1 et 5% à l’impact global selon le lieu de production. Il est intéressant de noter qu’en fonction de la provenance du produit installé dans nos territoires, l’impact de la distribution est multiplié par un facteur x7 entre un câble produit en France et un autre importé de Chine ou d’Inde.
Dans la conscience collective, il est admis qu’un produit fabriqué à l’autre bout du monde aura un impact environnemental plus élevé. Mais cette analyse comparative montre qu’une production dans certains pays européens, génère également une augmentation significative de l’impact environnemental du câble, parfois même supérieure aux câbles fabriqués à l’autre bout du monde.
A noter également que cette analyse comparative est faite pour un produit fait à 100% dans le pays considéré. Il n'est pas rare de voir sur le marché des produits avec de la fibre provenant de l'autre bout du monde mise en câble dans des usines en Europe. L'impact de la part fibre étant très significative dans l'empreinte globale par rapport à l'impact de la partie gainage du câble, l'impact environnemental de ce type de produit avec différents pays de production sera alors bien supérieur à celui indiqué dans cette étude.
Choisir un câble français permet de minimiser l’impact environnemental des infrastructures télécoms
La mesure de l’impact environnemental des produits déployés dans les réseaux est la première pierre d’une démarche environnementale globale, et permet d’évaluer finement les leviers sur lesquels il est possible d’agir et d’innover pour minimiser l’impact des produits et solutions fournis.
Une analyse sur l’ensemble du cycle de vie est indispensable pour disposer d’une vision globale de l’impact environnemental. Argumenter d’une réduction carbone sur une seule phase du cycle de vie peut (sciemment ou pas) induire en erreur.
L’analyse du cycle de vie des câbles optiques montre que la majeure partie de l’impact carbone est lié à la fabrication, et notamment à l’énergie nécessaire pour transformer la matière. Le mix électrique du lieu de fabrication a factuellement un impact majeur sur l’empreinte environnementale du câble. Avec son usine en France (en Normandie), ACOME profite d’un mix électrique français très décarboné, parmi les plus bas au monde.
Au-delà du mix électrique, les analyses de cycle de vie servent également à éco-concevoir les produits. Retrouvez d'ailleurs comment ACOME a utilisé son modèle carbone du réseau FttH et l'ACV de son câble de raccordement pour développer de nouveau packaging (à base de déchets d'équipements électriques) et ainsi réduire significativement l'empreinte carbone ramené à l'abonné (plus de détails dans cet article).
Les outils et les normes existent. Il est désormais impératif de généraliser la demande de déclaration environnementale produit dans nos filières afin d’entrer dans des démarches d’achats responsables. C’est une demande sans surcout pour les déploiements et qui permet de donner la préférence à des produits moins impactant sur l’environnement en se basant sur des éléments factuels et certifiés.
Des difficultés à comparer les données environnementales : un appel à l'homogénéisation
De nombreux clients expriment leur frustration face à l'impossibilité de comparer efficacement les données environnementales récoltées auprès de différents fournisseurs. Ces écarts, parfois importants, peuvent être liés à des disparités dans les méthodologies et les sources de données employées, et entravent la prise de décisions éclairées en matière de responsabilité environnementale et de politique d’achats responsables.
Heureusement, des outils tels que les Analyses du Cycle de Vie (ACV) et leurs cadres méthodologiques associés, tels que les PCR/PSR de PEP Ecopassport ® , existent pour pallier ces difficultés et obtenir des données comparables
Les écarts observés proviennent vraisemblablement d'une combinaison de facteurs, notamment l'utilisation de règles ACV différentes et la qualité et la provenance des données d'entrée. Les données utilisées pour les ACV, peuvent présenter des variations significatives en termes de fiabilité et de méthodologie, affectant ainsi les résultats finaux. Au-delà de la collecte de données primaires auprès des fournisseurs de matières premières, il est essentiel d'harmoniser les données secondaires provenant des différentes bases de données existantes. Ces écarts significatifs observés soulignent la nécessité d'un effort collectif pour standardiser et fiabiliser les données environnementales.
En adoptant une approche harmonisée et rigoureuse des ACV, les entreprises pourront non seulement comparer efficacement les performances environnementales des produits, mais également identifier des leviers d'amélioration concrets et contribuer à une transition vers une économie plus durable.